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Texte écrit par le Frère F.R. WORTS, sous le titre "Origin of the Apron" (Origine du Tablier), de la Loge d'Etude et de Recherche Quatuor Coronati n° 2076 - Londres, dont seule la partie historique a été traduite par le webmaster (pour le texte entier original suivre le lien : http://freemasonry.bcy.ca/aqc/apron.html)

Les Origines du Tablier

F.R. WORTS

 

Sans nul doute le tablier maçonnique est issu de celui des maçons opératifs du Moyen-âge.  Les quelques modèles parvenus jusqu'à nous étaient confectionnés avec de la peau d'animal,  très probablement de mouton. Il était suffisamment grand pour couvrir son propriétaire de la poitrine jusqu'aux chevilles. Et son rabat était tenu par une lanière de cuir passée autour du cou. De chaque côté, une lanière soigneusement cousue, était nouée autour de la taille, dont les ganses laissaient retomber les extrémités. Ces tabliers grossiers furent utilisés pendant des siècles ; les tabliers tissés des maçons modernes sont apparus plus tardivement au 18ème siècle.

Les plus anciennes représentations de tabliers de maçons figurent sur la gravure du portrait d'Antony Sayer, le 1er Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre de 1717, et sur le frontispice illustré du Premier Livre des Constitutions d'Anderson (1723). Dans la première gravure, malheureusement, seule la partie supérieure du tablier est visible, et, ce qui semble être le "bavoir" ou rabat, est relevé.

 

Dans le second exemple un tuileur transporte avec lui un certain nombre de tabliers avec de longs lacets qui semblent être faits de cuir. Ils sont également grands, pouvant couvrir un homme de la poitrine aux chevilles.

La méthode pour nouer le tablier était celle des maçons opératifs, avec le nœud et les cordelettes devant ; cela fut perpétué, même quand la soie ou le tissu furent employés.

 

Le tablier de cuir résista, en dépit de l'utilisation, environ à partir de 1740, de matériaux plus souples jusqu'à 1811 au moins. La preuve en est la première référence officielle du tablier trouvée dans les minutes de la Grande Loge, du 17 mars 1731 (1). Maîtres et Surveillants de Loges particulières pouvaient doubler leurs blancs tabliers de cuir avec de la soie blanche, et accrocher leurs bijoux à leur cou au moyen de rubans blancs (2).

Cette pratique fut mentionnée à nouveau dans l'édition de 1738, ainsi que dans les postérieures, incluant celle de John Noorthouck (‘Constitutions of the Free and Accepted Masons,’ new edit. 1784), qui fut la dernière avant 1815.

 

Fred J.W. Crowe soutint que vers 1738, le tissu avait supplanté le cuir, mais W.H. Rylands n'est pas du même avis ; les deux érudits, cependant, pensent que, dans les années 1730, quelques maçons expérimentèrent d'autres matériaux que le cuir pour leurs tabliers.

 

On ne sait pas quand les longs tabliers cessèrent d'être portés. Seulement quatre des gravures de Rylands (n° 2, 8, 10, 23), représentant des maçons non opératifs, montrent de longs tabliers. La plus intéressante est la n° 23, datée de 1754, montrant un groupe de six maçons dont un seulement porte à coup sûr un tablier long. Il semble être le Senior Warden (Premier Surveillant) : il porte un niveau comme bijou et son tablier est rabattu. Le sixième personnage, probablement le Tuileur, l'épée tirée et sans sautoir, porte le rabat relevé.

 

L'ancienne habitude de porter le rabat relevé tomba bientôt en désuétude : il fut supprimé ou porté baissé. Les illustrations de Rylands offrent seulement deux ou trois exemples de bavette relevées (n°: 1, 1717; 23, 1754; 42, 1784). Des numéros 1 à 30, pas moins de neuf n'ont apparemment pas de rabat ; dans les autres il est baissé.

 

Il ressort des tabliers conservés et des illustrations de la première période qu'ils étaient destinés à être portés avec le rabat relevé et attaché grâce à une boutonnière, mais la tendance aurait été, parmi les Maîtres Maçons, de le porter baissé ou de s'en passer complètement.

A partir de 1731, le tablier adopta une forme plus pratique, habituellement à hauteur du genou. Le cuir laissa la place à des matériaux plus souples, soie, satin, velours, lin et peau de chamois. Le rabat quand il était conservé, était soit triangulaire soit semi-circulaire. Cette dernière forme fut de plus en plus adoptée par les Maîtres Maçons, certainement pour distinguer leur rang. La partie basse du tablier était parfois découpée à angles droits, mais, le plus souvent, les coins étaient rognés pour donner une ligne semi-circulaire, et les lanières de cuir étaient remplacées par des rubans ou des cordelettes.

 

Selon Dermott (Ahiman Rezon, 1764, pp. 24-3 1), quelques "Modernes", refusant le tablier de travail des opératifs, introduisirent une mode nouvelle en portant leurs  tabliers tournés, de sorte que la partie basse était fixée autour de l'abdomen et que la bavette et les lanières pendaient vers le sol, afin de montrer qu'il n'y avait pas de maçons opératifs parmi eux. Blacham déclare que ce "subterfuge" fut introduit entre 1730 et 1740, mais fut de courte durée.

 

Avant 1760, des tabliers minutieusement peints ou brodés devinrent à la mode et cela jusqu'à l'Union de 1813. Beaucoup étaient fabriqués artisanalement, souvent artistiquement finis et décorés de symboles. A partir de 1760 apparurent les tabliers imprimés en taille douce ou portant des inscriptions, la plupart étant ensuite coloriés manuellement.

 

La tendance à décorer de symboles les tabliers maçonniques commence dans les années 1730, et entre 1740 et 1790 cette pratique est largement répandue. Ces tentatives étaient dans l'ensemble assez grossières, mais il existe encore de nombreux exemples qui révèlent du talent et du goût. L'encre de chine, la peinture et la broderie étaient communément employées. Les motifs les plus populaires incluaient l'Œil-qui-voit-tout, les colonnes, l'Equerre et le Compas, tous témoignant du développement de la Maçonnerie spéculative dans la deuxième moitié du 18ème siècle.

 

Rylands résume la situation ainsi : "… vers 1784 la dimension du tablier fut largement réduite … pendant longtemps avait régné une grande négligence … et aucune règle n'avait été posée pour établir une uniformité. Aussi longtemps que le matériau fût blanc, la surface pouvait être décorée par autant de symboles maçonniques ou autres, sans contrevenir aux règles,  pourvu que cela n'interférât pas avec les privilèges des Grands Officiers dont le tablier étaient orné d'une bordure pourpre …. La dimension du tablier devint de plus en plus petite.

…. Chaque maçon était vraiment libre d'inventer presque n'importe tablier à sa convenance."

 

Dans la bibliothèque de la Province du Yorkshire (West Riding), on trouve un tablier datant d'environ 1820. Il est petit, fait main, en toile blanche bordée d'un mince ruban bleu clair, sans autre ornement. Les cordons sont très longs et confectionnés du même ruban. Il est de forme semi-circulaire et la bavette est baissée. Mais il est formé de deux parties semi-circulaires, chacune étant soigneusement bordée du ruban bleu.

 

Chez les Antients, cela devint une pratique courante de dessiner ou de peindre sur le tablier les armoiries de leur Grande Loge, mais dans l'ensemble les maçons de l'Antient Grand Lodge (Atholl Masons) adoptèrent les pratiques des "Moderns" ; ainsi, ils donnèrent à leur imagination encore plus de liberté que ne le faisaient leurs rivaux dans le choix de leurs décorations.

 

Le 2 septembre 1772, la Grande Loge des Antients prit cette résolution :

"La Grande Loge ayant été informée que plusieurs Frères étaient récemment apparus en public avec des lanières et des bordures dorées, ainsi que divers autres artifices sur leurs tabliers, et que cela ne convenait pas à la dignité, à la décence et aux anciennes coutumes, décide et ordonne pour l'avenir qu'aucun Frère, Grands Officiers exceptés, ne pourra porter de lacets, bordures, broderie ou quoi que ce soit de doré sur son vêtement ou ses décors maçonniques". (Ahiman Rezon, 1807, pp. 90-91.)

C'était simplement bannir les décors dorés ; ce n'était pas encore une tentative pour prescrire un modèle uniforme.

 

Rubans bleus et soie bleue

 

La Grande Loge d'Angleterre ordonna, le 17 mars 1721 : "Personne, à l'exception du Grand Maître, de son Député et de ses Surveillants ne sera autorisé à porter des bijoux en or ou dorés attachés aux rubans bleus portés en sautoir, ni à leurs tabliers de cuir bordés de soie bleue ; ces tabliers peuvent aussi être portés par les précédents Grands Officiers."

 

Ce fut la première mention de la "soie bleu"e comme bordure de tablier, et il s'avère que le bleu était originellement réservé aux Grands Officiers. Le manuscrit Rawlinson (vers 1740) mentionne : "deux tabliers de Grand Maître doublés de soie bleue avec un rebord de 5 cm et des cordons de soie blanche."

 

Aux alentours de 1745-50, les Grands Officiers commencèrent à border leurs tabliers de ruban pourpre. Le bleu clair, graduellement abandonné par ces derniers, fut bientôt adopté par les Maîtres Maçons, et comme il n'y avait aucune directive en la matière (jusqu'en 1815), les tabliers bordés de bleu furent de mise chez la plupart des Frères à partir de 1745.

 

L'uniformité et la régularité dans les motifs, formes et décorations du tablier ne furent pas instaurées dans la Grande Loge Unie avant le 2 mars 1814.

 

Le modèle fut proposé et accepté le 2 mai, puis imposé à tous (règle 269). Les Constitutions de 1815 prescrivent :

 

Tabliers

 

Apprenti – un tablier en peau d'agneau blanc de 35,5 cm à 40,60 cm de large, de 30,50 cm à 35,5 cm de haut, rectangulaire et sans ornement ; avec des cordons.

 

Compagnon - un tablier en peau d'agneau blanc, similaire au précédent, auquel sont ajoutées deux rosettes bleu-ciel à la base.

 

Maître – Identique, mais avec une doublure et une bordure bleue, de 45 cm de haut, et avec une rosette supplémentaire sur le rabat. Aucune autre couleur, ni ornements ne seront autorisés sauf pour les officiers et passés-officiers des loges qui peuvent porter les emblèmes de leurs charges en argent ou en blanc au centre de leurs tabliers.

 

De légères modifications furent apportées au texte de 1818 dans le siècle et demi qui suivit. Aujourd'hui, il est précisé que le tablier d'apprenti doit être muni d'un rabat, que les rosettes du Compagnon doivent être fixées aux coins inférieurs du tablier ; et que le tablier de Maître doit être bordé d'un ruban ne dépassant pas 5 cm, que des pendrillons argentés doivent être suspendus sur le devant, et que les cordons doivent être bleu clair ; il est aussi prévu que les insignes des offices…, au milieu du tablier, peuvent être au centre d'un double cercle dans lequel peuvent aussi être insérer le nom et le numéro de la Loge.

 

 

Pendrillons (houppes)

 

Les pendrillons, de forme rudimentaire, ont dû apparaître assez tôt comme un développement naturel du cordon noué à la taille et dont le nÅ“ud tombait sur le devant du tablier. Il existe, de fait, plusieurs exemples de tabliers du 18ème siècle attachés avec de larges rubans dont les terminaisons étaient habituellement faites de franges dorées, de sorte qu'une fois noués sur le devant, cela avait l'apparence d'une paire de houppes. (cf. illustrations g, j, m) (3).

 

Il est impossible de dire quand les pendrillons d'argent firent leur apparition comme ornement standard du tablier de Maître Maçon. Ils furent certainement utilisés avant 1841, mais furent officiellement prescrits pour la première fois en 1841 dans le Livre des Constitutions.

 

Ni Crowe, ni Rylands n'ont pu dater l'introduction des pendrillons de métal qui ne sont pas utilisés dans toutes les instances maçonniques. Crowe écrit :

 

" Je ne peux dire quand ils furent introduits, mais, à part les Grandes Loges d'Australie et du Canada qui nous copient tout naturellement, les Grandes Loges de Grande-Bretagne sont, à ce point de mes recherches, les seuls Corps qui les portent ; et pour ce qui est de l'Irlande, ils ne figurent pas sur les tabliers des Grands Officiers.

 

Rosettes

 

L'origine des rosettes sur les tabliers de Compagnons et de Maîtres est également inconnue. En Angleterre, ils furent introduits relativement tard et ne furent pas prescrit avant 1815, dans le but de permettre une différenciation des trois grades. Il est probable, cependant, que leur origine est purement ornementale. Il existe une médaille maçonnique allemande ou bijou, daté de 1744/45 qui montre un tablier avec trois rosettes. (illustrations h et k).

 

Malheureusement, il n'y a pas trace d'une Grande Loge à cette époque, ni anglaise ni européenne, qui aurait prescrit cet usage ; nous sommes donc conduits à supposer qu'il s'agit d'un élément purement décoratif. Cela n'exclut pas la possibilité qu'elles aient pu avoir une signification réelle pour les loges dans lesquelles elles étaient portées.

 

Equerres et niveaux

 

Il semble qu'il n'y ait aucune appellation officielle pour les équerres et les niveaux (Tau inversés) qui décorent le tablier d'un Vénérable ou d'un Passé Maître. Les Constitutions de 1815 les désignent comme des "lignes perpendiculaires sur des lignes horizontales, formant ainsi trois séries de (deux) angles droits". Et ils étaient faits à l'origine d'un ruban de 2,5 cm de hauteur (et 7 cm de largeur). La même définition se retrouve dans les Constitutions actuelles, bien que de nos jours ces emblèmes soit habituellement d'argent ou de métal blanc. Ils furent dessinés uniquement dans un but distinctif (4).

 

 

Notes :

 

(1). [Dès le 27 Juin 1726, la Grande Loge d'Angleterre avait ordonné que les Maîtres de Loges (Worshipful Masters qui correspondent au V.M) et les surveillants « porteraient les bijoux de la maçonnerie pendus à un ruban blanc passé autour du cou, les Maîtres l'équerre, les surveillants le niveau et le fil à plomb].

 

(2).  La bavette du tablier d'apprenti était rentrée et invisible, celle du compagnon était levée et boutonnée afin de la maintenir, et celle du Maître baissée.

 

(3). Selon Jones c'est le remplacement des cordelettes par des rubans qui est supposé avoir suggéré, plus ou moins accidentellement, l'addition des houppes à une période d'ailleurs assez tardive, aux environs de 1827-1841.

(4). Il est à signaler que le niveau égyptien était en forme de A, les miniatures médiévales représentent les niveaux comme composés de 2 règles assemblées en T inversé ; le peson est suspendu à un fil partant du haut de la règle verticale.

 

 

 

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